La beauté de la chose

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    Introduction du "Livre des Débuts d'Histoires"

    JoieYoyu
    JoieYoyu


    Messages : 30
    Date d'inscription : 03/10/2012

    Introduction du "Livre des Débuts d'Histoires" Empty Introduction du "Livre des Débuts d'Histoires"

    Message  JoieYoyu Mer 3 Oct - 15:08

    [center]Le livre des débuts d’histoires

    Juin 1914

    Il avait veillé tard, relisant L’Ile au trésor pour la centième fois au moins, lorsque l’idée de cette histoire lui était venue. Comme toutes les précédentes, ce n’était que le début d’une histoire, mais c’était toujours mieux que rien. Il se leva sans bruit, parce que sa famille dormait et qu’il ne voulait pas la réveiller.
    Il avait lu L’Ile au trésor si souvent qu’il n’avait plus besoin de regarder l’exemplaire usagé que papa et maman lui avaient offert pour Noël deux ans plus tôt. Il lui suffisait de l’ouvrir pour rêver à des aventures. C’était ainsi que lui était venu l’idée de ce début d’histoire, comme un rêve, avec les mots qui se succédaient comme les notes de musique du violon de maman. Il les garda soigneusement en mémoire afin de prendre le temps de les noter.
    Il s’assit à son vieux bureau usé et couvert de tâches d’encre et sortit un livre mystérieux du fond d’un tiroir bourré de papiers. Ce n’était pas le cahier de composition à cinq cents dans lequel il tenait son journal, ses réflexions et ses observations su tout ce qui lui semblait important ou non. Ce livre-là, il l’avait découvert au grenier parmi les affaires de maman - qui étaient peut-être elles-mêmes des secrets, car le coffre était fermé à double tour et Oscar n’avait sûrement pas le droit d’utiliser la clef, qu’il avait trouvé dans sa chambre.
    Comme il l’avait si souvent fait depuis qu’il avait découvert le livre, il contempla les mots inscrits sur la page de garde : Le Livre des débuts d’histoires. Un poème était imprimé sous ce titre, un poème qui le faisait frissonner parce qu’il était tellement merveilleux, presque comme un début d’histoire à lui tout seul :

    Prenez garde, vous qui écrivez dans ce cahier,
    Prenez garde aux histoires que vous commencez,
    Car chaque histoire qui possède un commencement,
    Pourrait bien avoir aussi une suite et un dénouement.

    Pensez également, avant décrire pour de bon,
    Que si au jour succède immanquablement la nuit,
    Tous les débuts d’histoires ne font pas de bons récits;
    Certains y parviennent, d’autres non.

    Que ce livre rende son jugement souverain
    Pour dire si et comment l’histoire prendra fin.


    Sur les pages suivantes, on pouvait lire de débuts d’histoires, le premier d’un auteur inconnu - et datant de Dieu sait quand, car ce livre était vraiment ancien - et deux autres de lui-même. Après eux, des pages blanches attendaient d’autres débuts d’histoires.
    Il se mit à écrire rapidement, comme si le stylo se mouvait de lui-même, tissant une trame de mots sur la page :

    Il était une fois un garçon qui vivait dans une ferme au sommet d’une colline dans une région perdue. En contrebas de la colline s’étendaient à perte de vue des champs de maïs, seulement de maïs, coupés de longues routes monotones qui n’en finissaient pas et ne semblaient mener nulle part avant d’arriver quelque part. Le garçon aimait imaginer que sa maison était au milieu de la mer et qu’il pourrait s’embarquer du jour au lendemain pour partir à l’aventure. A ses yeux, pourtant, ce n’était rien de plus qu’un rêve. Une nuit, alors qu’il veillait seul dans sa chambre, il eut l’impression que quelque d’étrange se passait au dehors. Lorsqu’il alla voir à la fenêtre, il découvrit que son rêve s’était réalisé. Sa maison perchée au sommet de la colline était au milieu d’une immense mer noire. Et à la lueur de la lune, il vit qu’une petite barque l’attendait sur le rivage.


    Il fit une pause pour relire ce qu’il avait écrit. Ce garçon, c’était lui-même, bien sur. La maison était la sienne, dans l’Iowa. Tout le reste n’était qu’un vœu. Il faisait tourner le stylo entre ses doigts en se demandant s’il devait d’abord revoir son récit ou le poursuivre. Soudain, il s’immobilisa et leva la tête, aux aguets. Qu’avait-il entendu? Ce n’étaient pas les bruits familiers et obscurs d’une nuit d’été - chants des grillons et des grenouilles, bruissements des plants de maïs et piétinement du bétail dans les étables. Non, c’était un son plus bas, presque comme un soupir. Il se retourna vers la fenêtre jusqu’au moment où un vent froid agitait les rideaux de dentelle. C’était un vent âpre et humide qui sentait le sel.
    Il passa son pantalon et sortit de sa chambre. Alors qu’il descendait l’escalier sans bruit, il voyait la lune par la grande fenêtre du devant, à l’autre bout de l’entrée. Soudain, à travers les panneaux vitrés de la porte, il aperçut deux lunes : une dans le ciel illuminé d’étoiles, et son reflet dont les éclats scintillants ondulaient sue les vagues. Il ouvrit la porte sans presque s’en rendre compte et sortit.
    Comme le garçon dans le début de son histoire, il n’avait encore jamais vu la mer. Comment aurait-il donc pu l’imaginer, si froide, sombre et immense ? Il n’aurait jamais pu imaginer son odeur, et pas d’avantage l’absence de limite nette entre l’eau et l’air. La mer était présente jusque dans l’air. En revanche, il avait imaginé le canot, qui l’attendait au bout de l’allée de graviers, amarré à l’une des urnes en ciment dans lesquelles maman plantait des géraniums.
    Tout cela était-il bien réel ? La mer et le canot étaient-ils réels ? Il y réfléchit un instant. Il vit qu’il tenait toujours à la main Le Livre des débuts d’histoires et cela lui fit songer à l’inscription de la page de garde. Non, l’avertissement, rectifia-t-il, et pour la première fois, il frissonna pour une autre raison que les précédentes. Prenez garde, disait le livre, mais il n’était plus le temps de se montrer prudent. Il avait déjà écrit le début d’une histoire. Cette histoire, si elle était réelle, avait commencé.[center]

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